15 Jan L’analyse des scopes, au cœur du bilan carbone des data centers
Les entreprises s’engagent de plus en plus pour réduire leur empreinte énergétique, au travers du bilan carbone et de la stratégie RSE. Qu’il s’agisse d’engagements volontaires ou d’alignement aux contraintes réglementaires
En 1998, des entreprises, des ONG et des gouvernements créent le GHG Protocol afin d’établir les bases du savoir dans le domaine de la comptabilisation et de la déclaration des émissions de GES (gaz à effet des serre). C’est ici que le concept de scopes d’émissions voit le jour. Il est à l’origine des délimitations des scopes 1 et 2.
Depuis octobre 2011, le GHG Protocol a été finalisé pour introduire et préciser les émissions indirectes potentielles de gaz à effet de serre d’une entreprise, appelées scope 3.
En France, le décret de juillet 2022 impose de faire un bilan de gaz à effet de serre complet, scopes 1 à 3, aux entreprises de plus de 500 salariés, et ce à partir du 1er janvier 2023.
LE BILAN CARBONE
Avant de réaliser un bilan carbone, il faut analyser les différentes sources d’émissions de l’entreprise. Pour cela, nous devons prendre deux périmètres en considération :
- Le périmètre organisationnel :
- Quelles sont les structures de l’organisation concernées ?
- Quelles filiales, quels sites et quelles installations faut-il étudier ?
- Pour déterminer ce périmètre, deux approches possibles : « part de capital » ou « contrôle ».
- Le périmètre opérationnel :
- Quelles sont les différentes sources d’émissions de GES qui ont lieu en raison de l’activité de l’entreprise grâce à l’étude des scopes ?
Les entreprises font partie des premières à pouvoir agir en termes d’environnement. Liées à leurs activités, ces émissions de gaz à effet de serre ont été segmentées en 3 scopes.
Les 3 scopes (1, 2 et 3) représentent les grandes catégories d’émissions de gaz à effet de serre d’une organisation.
LE SCOPE 1
Ce scope regroupe les émissions directes de gaz à effet de serre qui ont lieu directement au niveau de l’entreprise. Celles-ci proviennent d’installations détenues ou contrôlées par l’entreprise, fixes ou mobiles. Dans ce cas de figure, l’entreprise est directement responsable d’émissions de gaz à effet de serre.
Voici les 5 sous-catégories concernées et quelques exemples :
- Sources fixes de combustion (chauffage au gaz dans un bureau ou une usine)
- Seules les émissions qui ont lieu directement au moment de la combustion sont comptabilisées.
- Sources mobiles à moteur thermique (combustion de carburant des véhicules de services détenus par l’entreprise)
- Procédés hors énergie (épandage d’engrais)
- Emissions directes fugitives (fuites de gaz frigorigènes d’une climatisation, d’un frigo ou d’une chambre froide)
- Emissions issues de la biomasse (sols et forêts, ruminants)
LE SCOPE 2
Ce scope regroupe les sources indirectes liées à l’énergie. Les émissions n’ont pas lieu directement sur le lieu de travail mais au moment de sa production. Il s’agit d’un scope restreint, qui définit l’empreinte énergétique.
Voici les 2 sous-catégories concernées et quelques exemples :
- Émissions liées à la consommation d’électricité (équipements informatiques d’un bureau)
- Émissions liées à la consommation de vapeur, chaleur ou froid (lorsqu’une entreprise de construction utilise de l’air comprimé pour faire marcher des engins pneumatiques)
LE SCOPE 3
Le Scope 3 rassemble les autres émissions indirectes, soit la très grande majorité des émissions relatives à l’activité d’une entreprise :
- Émissions “amont” (avant la production des biens ou services vendus)
- Émissions “aval” (après la production des biens ou services vendus).
Voici les 16 sous-catégories concernées et quelques exemples :
- Emissions liées à l’énergie non incluse dans les scopes 1 et 2 (extraction, transformation et transport nécessaires à la production d’essence)
- Achats de produits et de services (Achat d’ordinateurs pour les employés)
- Biens immobilisés (Véhicules d’entreprise)
- Déchets (Gravats d’un chantier)
- Transport de marchandise amont (Livraison de matériel)
- Déplacements professionnels (Déplacements des commerciaux pour des visites clients)
- Actifs en leasing amont (Location de voitures de fonction)
- Investissements de l’entreprise (Achat d’actions)
- Transport des visiteurs et des clients (Trajet d’un client vers un site de vente)
- Transport des marchandises aval et distribution (Livraison d’un produit acheté en e-commerce)
- Utilisation des produits vendus (Lavages d’un textile qui vont nécessiter de l’eau et de l’énergie)
- Fin de vie de produit vendu (Recyclage d’un produit)
- Franchise aval (Une franchise d’une chaine de restauration)
- Leasing aval (Matériel informatique loué par une entreprise à une autre)
- Déplacement domicile travail (Trajets des employés entre leur maison et leur travail)
- Autres émissions indirectes.
UN SCOPE 4 ?
Il est possible d’ajouter un scope 4, mais il n’y a pas d’obligation légale.
Ce scope comprend toutes les émissions que l’entreprise a pu éviter grâce à ses initiatives. C’est dans cette catégorie que l’on retrouve les émissions évitées à un client par la commercialisation d’un produit ou d’un service. On y retrouve aussi toutes les initiatives de compensation carbone.
Une fois cette liste du scope 4 définie, il faut la soustraire au bilan carbone de l’entreprise.
LES AVANTAGES DES SCOPES
L’analyse des scopes 1, 2 et 3 est indispensable pour la réalisation d’un bilan carbone. Les entreprises et les organisations publiques peuvent identifier les sources de pollution qu’elles génèrent et établir des plans d’actions. Cela leur permet de :
- Se conformer aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (RSE ou ESG) attendus par les parties prenantes de l’entreprise
- Être en phase avec la Stratégie Nationale Bas Carbone de la France (SNBC) qui prévoit d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050
- Se démarquer des autres par son exemplarité en réalisant un bilan GES complet.
LES LIMITES DES SCOPES
En revanche, l’étude des scopes 1, 2 et 3 révèle des limites dans la réalisation du bilan GES.
- La délimitation précise du scope 3 peut être complexe. En effet, beaucoup d’entreprises minimisent leurs émissions sur ce périmètre et ne communiquent que sur les scopes 1 et 2. Or dans la majorité des cas, le scope 3 représente le montant le plus élevé
- L’analyse des scopes ne portent que sur l’impact carbone d’un produit. D’autres méthodes comme celle de l’Analyse du cycle de vie permettent d’établir un bilan de l’ensemble des impacts environnementaux d’un produit ou service.
- La méthode n’inclut pas le calcul de l’empreinte carbone du numérique. On peut seulement les retrouver dans certains bilans d’entreprises ayant leurs propres installations de serveurs et de réseaux. Pour les sociétés qui utilisent (principalement) des services externes pour héberger leurs infrastructures, les émissions associées ne sont pas calculées par la Méthode Bilan Carbone ®.
LES DATA CENTERS FACE AU SCOPE 3
Comme les autres secteurs, le secteur des data centers doit atteindre la neutralité carbone à échéance 2050.
Quand on sait que les usages numériques sont en constante augmentation, avec une empreinte carbone non négligeable, il s’agit d’un véritable défi ! Pour le relever, les professionnels du secteur doivent impérativement maîtriser l’ensemble de la chaîne, depuis la construction jusqu’à la maintenance.
Plus que jamais, les data centers s’efforcent de réduire leurs émissions des scopes 1 et 2 en recourant à des sources d’énergie renouvelables telles que l’énergie solaire, éolienne et géothermique.
Dans ce contexte, le scope 3 est devenu le plus important contributeur aux émissions de GES des data centers. Cependant, la quantification et la déclaration de l’étendue 3 représentent un défi important pour leurs exploitants. Il est tout aussi important d’identifier la quantité de carbone incorporé dans le data center et de déterminer les principaux responsables des émissions.
Les émissions du scope 3 représentent la plus grande partie des émissions d’un data center. Elle est même plus élevée que la somme des scopes 1 et 2. De quelles émissions s’agit-il exactement ?
- Biens immobilisés 44 %
- Enveloppe du bâtiment 26 %
- Equipements 18 %
- Achats de produits et de services 38 %
- Emissions liées à l’énergie non incluse dans les scopes 1 et 2 (en amont) 14 %
- Transports 3 %
- Déchets 1 %
(source : DCMag)
Quelques pistes pour réduire les émissions de scope 3 :
- Choisir des solutions bas-carbone pour en faire les nouveaux standards de construction.
- Reconvertir des sites existants plutôt que de construire du neuf.
- Idem pour les équipements : réemploi, remise à niveau, recyclage afin de prolonger leur durée de vie et d’avoir un impact positif sur l’environnement.
ET LES JUMEAUX NUMERIQUES DANS TOUT CELA ?
Les jumeaux numériques de data center, répliques virtuelles 3D des infrastructures physiques, sont des outils précieux pour accompagner les entreprises dans leur démarche de réduction des émissions GES.
La dernière version de Data Center Insight Platform de Cadence calcule pour chaque équipement son empreinte carbone en utilisation, en fonction de son taux d’utilisation et de l’origine de l’électricité consommée. Sa bibliothèque de plus de 8000 équipements fournit le carbone incorporé (embodied carbon), qu’il s’agisse d’une valeur constructeur ou estimée. Elle fournit également le carbone lié à la consommation électrique de l’équipement en fonction de son niveau d’utilisation et de la nature de l’électricité consommée. Des indicateurs de performance (KPI) peuvent être ajoutés au tableau de bord pour suivre les efforts déployés pour réduire l’impact environnemental des data centers.
Ces jumeaux numériques permettent d’anticiper l’impact de tout nouvel ajout d’équipements grâce à la simulation numérique. C’est donc tout au long de la vie du data center, que l’utilisateur va pouvoir remplir son data center au maximum de sa capacité, sans risque thermique ou électrique. Or, dépasser le plafond de verre qui fait que les data centers ne sont que partiellement remplis (autour de 60 %) est une manière très efficace de réduire l’empreinte carbone du numérique.
Enfin, ces répliques virtuelles commencent à être utilisées pour voir comment la chaleur dégagée par les serveurs peut être réutilisée pour d’autres usages (récupération de la chaleur fatale comme chauffer des logements ou des bureaux par exemple).
POUR CONCLURE
Alors que les data centers continuent de se développer et de jouer un rôle de plus en plus vital dans notre monde numérique, leur impact sur l’environnement ne peut être ignoré. Pour relever ces défis, les opérateurs de data centers doivent se concentrer sur la réduction des émissions de type 3. Pour cela, ils doivent mettre en œuvre des analyses approfondies pour quantifier et rapporter les émissions avec précision. Avec pour objectif de donner la priorité à des sources d’énergie plus propres, prolonger la durée de vie des serveurs et choisir des produits efficaces et à faible teneur en carbone.
En outre, l’adoption d’approches de conception novatrices qui optimisent l’utilisation de l’énergie, depuis l’informatique jusqu’aux installations, peut réduire considérablement la consommation d’énergie globale et l’empreinte carbone. La voie vers un secteur des data centers plus durables est entre les mains des opérateurs qui agissent, adoptent des pratiques respectueuses de l’environnement et donnent la priorité à la réduction de leurs émissions de carbone. Les jumeaux numériques peuvent être de précieux alliés pour atteindre ces objectifs.