Performance énergétique des data centers : Point sur les obligations légales

Performance énergétique des data centers : Point sur les obligations légales

Les data centers sont souvent cités comme étant l’un des secteurs ayant un fort impact sur l’environnement. Cette filière représenterait en France 14% de l’empreinte carbone du numérique (source : rapport Sénat).  Attention, cette empreinte pourrait croître d’une manière exponentielle, en l’absence de régulation !

C’est pour cela qu’un ensemble de réglementations ont été créées. Il s’agit véritablement de protéger notre environnement et de lutter contre le réchauffement climatique. L’Union Européenne et la France sont très actifs en ce sens.

Nous allons passer en revue les principales réglementations et actions incitatives en direction des acteurs des data centers. Leur but est d’inciter à de nouvelles bonnes pratiques et pourquoi pas, à des innovations tant au niveau de la conception qu’à celui de la gestion opérationnelle des data centers. De nouvelles normes imposent au niveau international des critères et des indicateurs fiables et cohérents, partageables, mesurables et opposables pour comparer leurs actions sur de mêmes bases.

Il s’agit pour les responsables de data centers d’identifier ces éléments afin de répondre aux exigences légales.

performance énergétique data center

Rappel historique : taxes liées aux data centers

La taxe TICFE (Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité) est instaurée en 2004. L’objectif ? Financer la péréquation spatiale (lissage des coûts de l’électricité pour tous, y compris dans les zones difficiles d’accès) et le développement des énergies renouvelables (éolien, hydraulique et solaire). De ce fait, depuis 2016, le niveau de cette taxe a été fixé à 22,5 euros / MWh.

Et cela, dans le but d’améliorer la performance énergétique des data centers, bien entendu.

performance énergétique data center

Avec la loi des finances de 2019 en France, les data centers peuvent ainsi bénéficier d’un dispositif d’abattement de cette taxe, sous réserve d’éligibilité calculée selon le coût de la TICFE ramenée à la valeur ajoutée du data center.

S’il est éligible, un data center bénéficie alors d’un calcul spécifique de la TICFE, à taux plein pour le premier GWh, puis à 12 euros / MWh au-delà. Pour rappel, cette taxe perçue par les douanes est destinée aux fournisseurs d’électricité. Ceux-ci intègrent donc ce montant à la facture de leurs clients concernés.

 

La loi des finances 2021, pour une régulation des data centers

La loi des finances 2021, quant à elle, vise à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Elle comporte des dispositions relatives aux data centers, aux antennes et aux territoires, avec 2 chapitres :

  • La promotion des data centers et des réseaux moins énergivores
  • La promotion d’une stratégie numérique responsable dans les territoires.

datacenter performance énergétique

Avec cette loi mise en application depuis le 1er janvier 2022, le gouvernement français continue dans sa lancée dans le domaine de la performance énergétique des data centers. Il a en effet souhaité renforcer l’éco-conditionnalité au tarif réduit de TICFE pour les data centers. Cela signifie que l’éligibilité à l’abattement de la TICFE sera conditionnée à 2 niveaux pour les responsables de data centers :

  • La mise en place d’un système de management de l’énergie conforme à la norme ISO 50001, pour attester d’une démarche d’amélioration continue. Notamment, l’analyse des consommations et l’identification des points d’amélioration.
  • L’adhésion à un programme de bonnes pratiques de gestion énergétique, reconnu par une autorité publique nationale ou internationale. Ces bonnes pratiques concernent :
    • L’écoconception du data center
    • L’optimisation de l’efficacité énergétique
    • Le suivi et le reporting de la consommation énergétique
    • La mise en œuvre de technologies de refroidissement plus performantes.

 

Comment inciter les entreprises à obtenir la certification ISO 50001 ?

iso50001L’ATEE (Association Technique Énergie Environnement) a mis en place un dispositif d’aide dédié, ouvert jusqu’en octobre 2022 à travers un programme dénommé PRO-SMEn. Il s’agit d’une subvention destinée à couvrir les frais liés aux prestations d’accompagnement à la certification. Son montant peut atteindre 20 % des dépenses énergétiques annuelles des sites certifiés, plafonné à 40 000€. Elle permet aux exploitants de data center de faciliter et garantir la réussite de leur démarche de certification ISO.

 

 

Les actions incitatives

Les responsables de data centers peuvent prendre en considération un certain nombre d’initiatives, qui complètent les réglementations en cours. Dans les faits, elles prennent la forme de méthodologies, de bonnes pratiques, de référentiels, ou de certifications. Elles vont dans le sens de l’amélioration de la performance énergétique des data centers.

L’objectif est de valider les approches et de créer des référentiels qui respectent les engagements pris et des exigences attendues. On pourra aussi mesurer les différentes actions et les valoriser. En établissant de nouveaux modèles et en créant une véritable prise de conscience collective, les acteurs de la filière vont acquérir de nouveaux réflexes en termes de conception et de fonctionnement ainsi que d’usage de produits et de services.

Voici quelques exemples d’actions incitatives.

Le Code de Conduite Européen pour les data centers

performance énergétique datacentersÉdité par la Commission européenne, le Code de Conduite Européen pour les data centers propose un référentiel des bonnes pratiques à adopter pour optimiser l’efficacité énergétique des datacenters. Ce Code de Conduite Européen est un programme d’envergure mondiale. Il a de facto bénéficié des contributions de fournisseurs, d’experts industriels, de chercheurs et d’opérateurs de data centers.

 

 

Certaines pratiques sont obligatoires et d’autres sont facultatives. Elles tournent autour des thématiques suivantes :

  • Planification, gestion et utilisation du data center
  • Équipement IT et services
  • Refroidissement
  • Alimentation électrique du data center
  • Autres équipements du data center
  • Surveillance / Monitoring et Reporting

 

L’objectif ? Informer et stimuler les acteurs des data centers afin de réduire la consommation d’énergie sans pour autant les empêcher de remplir leur mission. Le Code de Conduite Européen cherche pour cela à sensibiliser le personnel sur la question énergétique au sein du data center. Il recommande de ce fait des pratiques exemplaires et des objectifs éco énergétiques. Pour obtenir l’homologation de la commission Européenne il faut suivre et s’engager sur les différentes pratiques du Code de Conduite Européen. De plus, il est impératif de soutenir l’ensemble des engagements indiqués dans le Code de Conduite Européen.

De nombreux acteurs peuvent adhérer au Code de Conduite :

  • Les organisations gérant un data center

Le Code s’adapte aux spécificités de tous types d’opérateurs de data centers et des entreprises exploitant des équipements informatiques ou télécoms hébergés dans un data center. Ils peuvent être inscrits en qualité de participant.

  • Les acteurs du marché des data centers

Les fabricants de matériel, éditeurs de logiciel ou prestataires de service peuvent adhérer en tant que partenaires de support.

  • Les clients souhaitant louer un data center

Grâce à la liste des adhérents au Code de Conduite Européen, les clients ont la possibilité de choisir un prestataire qui met en œuvre les bonnes pratiques édictées par le Code.

 

Climate Neutral Data Center Pact

Climate Neutral Data CenterLancé en 2020, le Climate Neutral Data Centre Pact est coordonné par l’association européenne Cloud Infrastructure Services Providers in Europe (CISPE). Cette initiative d’autorégulation européenne repose sur 6 axes afin de rendre les datacenters « climatiquement neutres » d’ici 2030 :

  • Efficacité énergétique
  • Énergie propre
  • Eau
  • Économie circulaire
  • Énergie circulaire
  • Gouvernance

 

Parmi les adhérents de ce pacte figurent Atos, Data4, France Datacenter, Interxion, Scaleway, Google et OVH.

 

Référentiels
Le référentiel Green-IT de l’Institut Numérique Responsable

Ce référentiel figure parmi les initiatives à étudier. Il propose 74 bonnes pratiques clés pour un numérique plus responsable. Voici quelques exemples de bonnes pratiques conseillées :

  • Favoriser la remise en état du matériel fonctionnel via une entreprise de l’économie sociale et solidaire ou de l’économie adaptée
  • Exiger des reconditionneurs la transparence de leurs exutoires
  • Nommer et former un responsable Green IT / Numérique responsable
  • Définir des indicateurs (KPI) Green IT
  • Privilégier des ordinateurs éco-labellisés TCO, ou à défaut EPEAT GOLD
  • Limiter le nombre de terminaux de téléphonie
  • Fixer un niveau de DAS (Débit d’Absorption Spécifique) maximum de 0,6 W/kg
  • Sensibiliser les utilisateurs aux gestes clés de l’impression écoresponsable
  • Communiquer auprès des utilisateurs et les former sur les bonnes pratiques Green IT
  • Privilégier une architecture applicative modulaire
  • Exiger une efficacité énergétique minimum pour les équipements non IT des salles
  • Réutiliser l’énergie thermique produite par le centre informatique
  • Organiser les baies en allées chaudes et froides

 

L’AFNOR :  méthodologies et économie circulaire

 

afnor compétencesL’AFNOR propose AFNOR Compétences, pour aider les entreprises à se former aux problématiques de l’écoconception. Avec à la clé la reconnaissance de leur engagement via l’évaluation AFAQ Eco-conception.

 

« Pour encourager et valoriser une consommation plus responsable, AFNOR Certification a développé le dispositif de vérification de produit « Robuste, Réparable, Recyclable ». Ce signe de reconnaissance permet au consommateur ou acheteur en entreprise d’identifier les produits aux caractéristiques plus durables. Un logo apposé sur le produit, avec un QR code dédié, permet de prendre connaissance facilement du détail des engagements du fabricant ou du reconditionneur. »

 

Labels
LUCIE 

responsable data centerLe Label LUCIE est l’équivalent de Max Havelaar, mais destiné aux entreprises et aux organisations. Il les encourage à une croissance durable tout en ayant un impact positif sur la société et la planète. Pour cela, il a créé le premier centre de formation 100% dédié à la RSE. Celui-ci propose plus d’une vingtaine de formations, en partenariat avec des experts RSE.

3DS Outscale par exemple est membre de la communauté Lucie. Fondé en 2010 et partenaire stratégique de Dassault Systèmes, Outscale est le leader français en matière de services d’infrastructure Cloud Computing.

 

 

BAS-CARBONE

 

Label bas carboneCréé il y a 3 ans par le ministère de la Transition Ecologique en collaboration avec de nombreux partenaires, ce label vise à atteindre les objectifs climatiques de la France. Il s’agit ici de faciliter la mise en relation des porteurs de projets positifs pour le climat et des financeurs.

 

 

Les initiatives des data centers : l’exemple de EBRC au Luxembourg

Certains data centers n’ont pas attendu ces propositions pour agir en faveur de l’environnement. Ou leur environnement législatif a imposé très tôt d’intégrer la notion de performance énergétique, c’est le cas du Luxembourg.

EBRC par exemple, a mis en place un certain nombre d’actions pour limiter leur empreinte carbone. En témoignent les nombreux prix et certifications reçus. Résultat : une réduction de l’empreinte carbone de 14% sur les périodes 2010-2016 et 2017-2020

data center empreinte carbone

Quelles ont été leurs actions ?

  • Gestion de l’énergie est réalisée de manière automatisée en temps réel (monitoring et pilotage).
  • Élaboration d’un programme d’économie d’énergie en 2007.
  • Signature de l’accord volontaire de la FEDIL pour l’utilisation rationnelle de l’énergie.
  • Nouvelles technologies utilisées pour la construction des derniers data centers :
    • Roues de Kyoto : il s’agit d’un système de refroidissement à l’air qui fonctionne presque sans apport d’énergie 85% de l’année
    • Des machines frigorifiques de type «Turbocor» à paliers magnétiques. Ceux-ci offrent des coefficients de performance jusqu’à six fois supérieurs, à charge moyenne, par rapport aux systèmes de production frigorifiques traditionnels.
  • Le Free cooling et le Free chilling sont privilégiés lors de la conception et de la modernisation des data centers. Des variateurs de fréquences adaptent la vitesse de rotation des ventilateurs en fonction de la charge du data center.
  • Recours à des pompes à chaleur qui chauffent la totalité du bâtiment voisin, dans lequel sont installées plusieurs entreprises.
  • Installation de panneaux solaires en toiture des data centers de Kayl et de Windhof
  • Stockage de l’eau de pluie pour alimenter les éléments de climatisation et ainsi éviter de consommer l’eau de ville.
  • Sélection des solutions applicatives et des serveurs éco-efficients afin de rendre les data centers encore plus efficients.

 

Le Jumeau Numérique dans tout cela ?

EBRC a été une des premières sociétés européennes à investir dans le jumeau numérique de data center pour améliorer la performance énergétique de ses data centers, et à le démontrer avec 6SigmaDCX. Ils ont également sensibilisé leurs clients aux bonnes pratiques grâce au rendu très visuel de la simulation des flux d’air qui facilite la prise de conscience. Cette approche coordonnée avec ses clients a permis à EBRC de réduire drastiquement l’impact de ses data centers sur leur environnement.

jumeau numérique performance énergétique

Les acteurs français eux aussi ont pris le problème à bras le corps au niveau de la performance énergétique des data centers. La quasi-totalité des concepteurs de data centers utilisent le jumeau numérique 6Sigma pour réduire au maximum la consommation énergétique des nouveaux data centers.  Ils ne se contentent pas de simuler le refroidissement des salles mais aussi les équipements de refroidissement en toiture. Quantifier l’impact du vent sur les groupes froids ou les tours de refroidissement, simuler des environnements de plus en plus chauds pour garantir la continuité de services même s’il fait 40°C à l’extérieur est devenu leur quotidien.

refroidissement data center

Les sociétés qui prévoient de s’installer dans un data center sur notre territoire, demandent des simulations numériques avec 6SigmaDCX dans leur cahier des charges. Elles veulent la preuve que les salles pourront assurer la fiabilité de leur IT mais aussi la redondance en cas de panne d’une ou plusieurs unités de refroidissement. Tout cela avec un air le plus chaud possible pour minimiser les dépenses énergétiques.

Le jumeau numérique de data center, utilisé tout au long du cycle de vie, permet aussi de briser le plafond de verre qui fait que les salles sont en moyenne remplies à 56 % de leur capacité de conception. C’est un énorme gaspillage. Remplir les data centers au maximum de leur capacité, c’est réduire l’empreinte carbone du secteur de façon très importante. Bank of America a ainsi récupéré 350 kW d’IT estimant l’économie réalisée à 8,75 m$ et 4000 tonnes de CO2 de gagné.

 

Des résultats concluants ?

Le scénario catastrophe selon lequel la consommation énergétique des data centers pourrait exploser dans les prochaines années ne fait pas consensus. Selon un article publié dans la revue Science⁠⁠, des chercheurs affirment qu’entre 2010 et 2018, le volume de calcul des data centers a été multiplié par cinq. Durant cette même période, la quantité d’énergie consommée est restée relativement stable, n’augmentant que de 6 %. Cela va à l’encontre des efforts en vue d’améliorer la performance énergétique des data centers.

Comment expliquer ce phénomène ? Il semblerait que ce soit le résultat des efforts réalisés sans relâche depuis des années par les acteurs du secteur, véritable pionnier de la transition écologique.