Relocalisation des entreprises électroniques : quels enjeux ?

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Relocalisation des entreprises électroniques : quels enjeux ?

Pendant longtemps en France, les grands groupes de l’électronique ont mis en place des plans de délocalisation, principalement en Asie. Le but était de sous-traiter leur production à de grandes entreprises internationales. L’industrie française s’est réduit à peau de chagrin dans de nombreux domaines : textile, électronique, automobile, médical, etc.

Avec la crise du Covid-19, nous avons pu voir les effets délétères de notre dépendance vis-à-vis de ces pays sur des filières de production stratégiques. Délais de livraison allongés, pénurie de composants, … A cause de ces contretemps, nombre d’entreprises ont commencé à envisager la relocalisation en France. Voici le retour du Made in France !

Les projets de relocalisation se multiplient, jusqu’à devenir supérieur à celui des délocalisations. D’après une étude du cabinet EY en 2021, plus de la moitié des entreprises étrangères installées en France souhaitent y relocaliser des activités au cours des trois prochaines années.

entreprises électroniques

 

Focus sur le secteur de l’électronique

Le secteur électronique a connu 2 phénomènes concomitants après l’implosion de la bulle internet en 2001 :

  • l’externalisation de la production de grands groupes (Thales, Schneider Electric, Legrand,…) au profit de la sous-traitance
  • la délocalisation des volumes importants en Asie puis au Maghreb et en Europe de l’Est.

La production en France, quant à elle, se cantonne à des volumes réduits pour les marchés de niches (aéronautique, spatial, défense, médical, ferroviaire, …)

Aujourd’hui, la France est le premier sous-traitant électronique en Europe. Elle a encore quelques pépites dans le secteur qui font de l’électronique un secteur d’avenir.

induqtrie électronique

 

Le comité stratégique de filière a récemment publié les chiffres suivant sur la situation de ce secteur d’activité en France :

  • 1 100 entreprises
  • 230 000 emplois directs et indirects
  • chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros
  • La sous-traitance électronique à elle seule représente
    • plus de 470 entreprises
    • un chiffre d’affaires de 5,2 milliards d’euros en 2019, dont 3,2 milliards d’euros en France.

Eh oui, contrairement aux idées reçues, tout n’est pas sous-traité en Chine !

Aujourd’hui, les sociétés électroniques françaises sont en capacité de produire des cartes électroniques dans de bonnes conditions et à des prix raisonnables. En effet, celles-ci sont fabriquées via des lignes de production automatisées. Les pays asiatiques ont en revanche déséquilibré le rapport de force dans les segments pour lesquels il faut mobiliser la main d’œuvre en quantité importante comme le câblage filaire ou les opérations d’assemblage.

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 Pourquoi une pénurie des composants électroniques ?

L’industrie des semi-conducteurs est en majorité entre les mains de quelques entreprises installées à l’étranger. Le Taïwanais TSMC concentre ainsi à lui seul 70% de la production mondiale.

La pandémie de Covid-19 a provoqué le ralentissement de la production industrielle. Dans le même temps, la Chine faisait face à une explosion de commandes de produits liés au télétravail : imprimantes, PC, smartphones… Cet enchainement d’événements a entrainé une pénurie préoccupante de semi-conducteurs au niveau mondial. Cette pénurie touche de multiples chaînes de production dans les secteurs de l’automobile et des objets connectés entre autres.

Plusieurs constructeurs français ont même dû se mettre temporairement à l’arrêt, surtout dans le domaine automobile, secteur le plus durement touché. En effet, les acteurs automobiles ont annulé les commandes face à cette pénurie. Lorsque l’activité a redémarré fin 2021, il y avait des stocks trop faibles et une demande forte ! Le retour à la normale n’est malheureusement pas pour tout de suite. En réalité, il faut attendre jusqu’à un an, avec pendant ce temps des délais de livraison allongés, pour la livraison d’un véhicule neuf.

entreprises électroniques

 

Face à cette crise, la Commission Européenne souhaite se concentrer sur la relocalisation de la production avec le plan Chips Act. L’objectif ? Doubler la capacité de production de l’Europe en semi-conducteurs d’ici à 2030, pour atteindre 20% de la production mondiale. Pour cela, elle souhaite créer une alliance européenne réunissant tous les acteurs de la chaîne des semi-conducteurs.

 

Relancer la filière

Selon le Snese, la filière électronique française consomme 650 millions euros de circuits imprimés par an. Cela équivaut à quatre fois la production française. Les aides à l’investissement du plan de relance sont les bienvenues pour les aider à investir dans l’expansion de leurs capacités de production, car cette filière fait appel à beaucoup de chimie qui nécessite de lourds investissements.

L’électronique a été intégrée au volet du plan de relance en faveur de la relocalisation, avec la signature d’un contrat de filière (programme Nano2022) qui court de 2018 à 2022, qui sera suivi d’un deuxième plan dans le cadre de France 2030 inscrit lui-même dans le plan européen de 750 milliards d’euros.

C’est une réelle avancée, car auparavant, ce secteur était comme caché par dans les autres secteurs. Il est désormais officiellement considéré comme une industrie stratégique et essentielle à la continuité du fonctionnement de l’ensemble de l’économie.

En France, le plan de relance concerne 5 domaines d’activités stratégiques. Ces domaines sont : la santé, la 5G, l’agroalimentaire, les intrants essentiels, et l’électronique.

 

France Relance

Depuis le lancement de France Relance en septembre 2020, 624 projets de réimplantation des activités industrielles ont pris forme.

 

 

 

 

 

Pourquoi relocaliser ?

La filière électronique française espère, grâce à ce soutien de l’investissement industriel, faire revenir une partie de la production délocalisée. Avec pour objectif de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’Asie dans certains composants clés, comme le circuit imprimé et les semi-conducteurs.

Par ailleurs, le développement de la production électronique en France pourrait générer tout un écosystème composé des industries plastiques et mécaniques. En effet, pour fabriquer des cartes électroniques, il faut en amont produire un moule d’injection plastique et d’autres composants.

La fabrication des cartes électroniques est moins coûteuse en Chine, mais ne considérons pas cela d’emblée comme un avantage. En effet, ces coûts bas impliquent une optimisation des coûts de production avec en bout de chaîne une conception plutôt simple, dont la qualité est souvent inférieure à un produit fabriqué en France.

En cas de problème, vous ne pouvez pas mettre à jour les cartes car elles ne sont souvent pas démontables. De plus, les sous-traitants qui les fabriquent n’archivent que rarement le sourcing des composants.

 

entreprises électroniques

 

Quand elle maitrise sa chaîne de valeur, une entreprise devient plus proactive, plus rapide, plus efficace pour répondre aux besoins des clients :

  • Baisse des coûts de transport entre le site de production et les lieux de livraison
  • Réduction des délais de livraison
  • Coordination plus simple entre les équipes de conception et les équipes de production
  • Maîtrise des risques industriels et de la propriété intellectuelle
  • Pas de taxes d’importation européennes
  • Empreinte carbone réduite

 

 

Les difficultés liées à la relocalisation

Relocaliser sa fabrication électronique en France peut parfois poser des difficultés à certaines entreprises. En effet, cela implique souvent une hausse des coûts de production, aussi bien en termes de main d’œuvre qu’au niveau des matières premières.

Par ailleurs certains métiers de l’électronique ne sont plus présents sur le territoire français. Relocaliser impose alors de former des collaborateurs en amont. En l’absence de formation nationale, certaines sociétés prennent le taureau par les cornes.

circuit imprimé électronique

Par exemple, le groupe OCIS envisage de créer un CFA dans leur future usine. Destiné aux métiers du câblage électronique, il formera des personnes avec un haut niveau de qualification.

Le groupe OCIS est une structure issue du rachat de trois sociétés : SADITEC (producteur de cartes électroniques et câblage filaire), MILESYS (concepteur de solutions clés en main) et DEPAEPE (fabricant de terminaux téléphoniques analogiques et IP)

Enfin, sans parler de difficultés, il faut tout simplement analyser la rentabilité des éventuelles relocalisations. D’après Bruno Lemaire, ministre des Finances, « Il ne s’agit pas de rapatrier en France ou en Europe l’intégralité des productions industrielles y compris celles sur lesquelles nous ne serions pas compétitifs. Cela n’aurait aucun sens »

Par ailleurs, d’après Pierre-André de Chalendar, le PDG de Saint-Gobain, « Les délocalisations sont marginalement réversibles. Nous ne pourrons pas rapatrier les emplois de l’industrie à forte intensité de main-d’oeuvre et à faible valeur ajoutée. Nous n’allons pas faire revenir des industries qui sont parties depuis longtemps ».

 

Une industrie du futur synonyme d’implantation locale

La relocalisation de la production française peut être favorisée par le déploiement d’une industrie nouvelle génération. Celle-ci peut remettre en cause la réflexion autour de localisation des unités de production, en favorisant une implantation locale.

On parle ici de relocalisation dans des usines 4.0.

De quoi s’agit-il ? L’industrie 4.0 désigne une nouvelle génération d’usines connectées, robotisées et intelligentes. Avec la révolution numérique, les frontières entre le monde physique et digital s’amenuisent pour donner vie à une usine 4.0 interconnectée dans laquelle les collaborateurs, les machines et les produits interagissent.

Les machines et l’équipement sont surveillés et contrôlés en temps réel à l’aide de capteurs mis en place à chaque étape du processus de production.

Quels en sont les avantages :

  • Amélioration de la qualité des produits
  • Possibilité de répondre au besoin de produits personnalisés des consommateurs. Et ce, à coûts équivalents, malgré les faibles volumes de production.
  • Anticipation des pannes avec à la clé une réduction drastique des temps d’arrêt des machines

 

Un cas concret : Paris-Saclay

On l’a dit, des secteurs stratégiques ont besoin de l’électronique en France : en fin d’année dernière par exemple, Intel a annoncé vouloir contribuer à la relance de la production de semi-conducteurs en Europe avec la création d’une usine géante et un plan d’investissement de 80 milliards d’euros en 10 ans. Et ce, dans le but de participer à la transformation de l’industrie automobile européenne vers le véhicule électrique.

Mais au-delà de la relocalisation de la production en France, il faut dans le même temps stimuler l’attractivité scientifique du pays et relocaliser la R&D souvent délocalisée en Asie. Développement industriel et innovation passeront ainsi nécessairement par une relocalisation des ingénieurs. Ce sujet est au coeur des préoccupations de Paris-Saclay où s’installent de grands noms de l’industrie tels que IBM, Intel, Ericsson, Sanofi, Eurofins, Danone, Nokia, EDF, Carrefour, Safran ou Thales.

Paris Saclay entreprises électroniques

 

Wattdesign est également basé au cœur du Plateau de Saclay où s’implantent ces acteurs qui préparent le monde de demain. Sa technologie avec le logiciel 6SigmaET permet d’intégrer l’électronique indispensable aux produits du futur en garantissant sa fiabilité et ses performances. Celle-ci est présente dans les produits pour communiquer, travailler, se déplacer, suivre sa santé, se cultiver et se divertir. Le jumeau numérique de data center qu’elle propose pourra quant à lui trouver des solutions pour mieux intégrer les data centers dans leur environnement et réduire leur empreinte carbone. En effet, pour développer les usages de l’IoT (Internet Of Things) ou des futurs véhicules autonomes, les gares du Grand Paris seront équipées de mini data centers.

 

Relocaliser en France, c’est finalement développer de nouveaux pôles attractifs pour apporter des réponses aux multiples transformations que nous devons engager, au niveau environnemental et sociétal.